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L’avenir du Pacte vert suspendu aux élections européennes

PARIS — L’avenir du Pacte vert, ou Green Deal, s’écrit en pointillés.
A l’approche d’élections qui pourraient confirmer le virage à droite du continent, ce pilier du quinquennat européen qui s’achève, visant à garantir la transition écologique et énergétique de l’Europe, est fortement remis en cause.
Surfant sur la vague de contestation des agriculteurs, l’extrême droite et une partie des conservateurs européens — qui pourraient faire une percée lors des prochaines élections selon l’agrégateur de sondages de POLITICO — s’y opposent frontalement.
Le climat politique au printemps 2024 est radicalement différent de la vague verte de 2019, lorsque les scores historiques des partis écologistes avaient contribué à faire du Pacte vert une priorité du mandat de la Commission européenne. Au point de faire planer une menace sur le futur du Pacte vert lors du prochain mandat.
Chez Identité et Démocratie (ID), où siège notamment le Rassemblement National, la ligne est claire. “Le Pacte vert est mort … tout va être détricoté”, lance un des plus proches conseillers de Marine Le Pen, la présidente des députés RN à l’Assemblée Nationale, qui a demandé l’anonymat afin de pouvoir s’exprimer librement. Ce même conseiller fustige une “espèce de fête décroissantiste [où] les lampions sont en train de s’éteindre.”
Face au mécontentement des agriculteurs, la Commission européenne a déjà annoncé un assouplissement des règles agricoles qui enlève l’obligation pour les agriculteurs de ne pas cultiver une partie de leurs terres. Les règles concernant la réhabilitation des terres agricoles, qui font partie du règlement sur la restauration de la nature censé préserver les espaces naturels européens en cours de négociation à Bruxelles, ont également été affaiblies face à l’opposition des droites européennes.
L’inquiétude est vive du côté des Ecologistes, qui sont à la peine dans les sondages. Contactée par téléphone, leur tête de liste Marie Toussaint se dit “extrêmement préoccupée” que l’Union Européenne soit “en train de passer dans l’ère des grands reculs [écologiques] avant même les élections européennes”. 
“Si c’est la droite et l’extrême droite qui l’emportent, il n’y aura plus de Pacte vert”, prévient-elle.
En cause : les clauses de révision inclues dans les textes européens, qui pourraient permettre aux oppositions de droite de revenir sur les dossiers déjà adoptés. Le texte interdisant la vente de voitures thermiques dès 2035 contient par exemple une clause de révision qui prévoit son réexamen en 2026, et pourrait permettre de repousser l’échéance.
Interrogé sur les politiques spécifiques qui pourraient être attaquées lors du mandat suivant, le conseiller lepéniste répond ne pas être “dans cette logique-là”. “Je ne suis pas là pour faire de la bidouille, je conteste tout le système.”
Du côté des centristes de Renew, on se veut rassurant.
“Je ne pense pas du tout qu’il y aura lors de la prochaine mandature un tête à queue”, tempère l’eurodéputé Renaissance Pascal Canfin, qui préside la commission environnement au Parlement européen et est l’un des architectes du pacte dans sa forme actuelle.
“Il y a un sujet agricole très clair, mais sur le reste (…) le consensus est là, les investissements sont partis, les chaînes de valeur sont en train de s’organiser, donc on ne reviendra pas en arrière,” détaille-t-il par téléphone auprès de POLITICO.
Signe des fortes tensions qui traversent le camp présidentiel suite à la crise agricole, la présence même de l’ex-écologiste sur la liste était pourtant il y a peu remise en question par certaines voix anonymes au sein de son propre parti, alors qu’il était numéro deux en 2019.
Il a depuis été conforté par la tête de liste Renaissance Valérie Hayer, qui s’est dite “très fière” de son travail dans une interview à POLITICO — sans pour autant lui garantir une place en haut de liste.
La spectaculaire grogne agricole ayant traversé le continent ces derniers mois cristallise l’essentiel des tensions. Parce qu’elle peut compter en France sur le soutien massif de la population, la colère des agriculteurs est devenue un objet politique majeur. 
Anne Sander, eurodéputée et candidate Les Républicains (LR, qui siège avec le Parti populaire européen, le PPE) et l’une des fer de lance à l’opposition aux réformes environnementales agricoles à Bruxelles, appelle à “donner un coup de frein” au Pacte vert alors que le “monde agricole est dans la rue”.
“J’espère que la prochaine législature sera le coup d’arrêt au Pacte vert tel qu’il a été conçu, de manière hors sol, avec cette idéologie de la décroissance”, ajoute celle qui est proche des milieux de l’agro-industrie. 
Le projet de règlement sur la restauration de la nature, censé être l’un des piliers du Pacte vert, a déjà fait les frais de ces oppositions. Il prévoit de restaurer 20% des espaces naturels européens d’ici 2030.
Il a été considérablement adouci du fait de l’opposition au Parlement des droites européennes — ID, les conservateurs et réformistes européens (ECR) mais aussi une partie des groupes PPE et Renew — ainsi que de plusieurs gouvernements européens. Ils ont notamment obtenu la suppression de l’obligation de restaurer les terres agricoles.
“Ces partis-là ont monté en épingle le secteur agricole contre le Pacte vert, alors même qu’il ne touche pas vraiment le secteur de l’agriculture jusqu’à présent”, souligne Neil Makaroff, directeur du think-tank climatique bruxellois Strategic Perspectives, qui y voit un “calcul électoraliste”.
Le texte, qui doit encore être approuvé par les ministres européens de l’Environnement, est d’ores et déjà devenu un symbole de l’opposition des partis conservateurs et populistes au Pacte vert.
Selon l’agrégateur de sondages de POLITICO, si le PPE est bien parti pour rester la force principale au Parlement avec 174 sièges (-3), la percée des Conservateurs et Réformistes Européens (CRE) de la Première Ministre italienne Giorgia Meloni (78 sièges, +10) et surtout du groupe d’extrême droite Identité et Démocratie (ID, 87 sièges, +28), où siège notamment le Rassemblement national, risque de renforcer considérablement la frange nationaliste et conservatrice de l’hémicycle, en majorité hostile au Pacte vert.
Les candidats qui militent pour continuer à creuser le sillon du Pacte vert réfléchissent donc à la façon de prendre en compte les inquiétudes du monde agricole dans la prochaine législature.
La cheffe de file des Ecologistes français Marie Toussaint appelle à mettre en place un “Green Deal 2.0” ayant vocation à “transformer l’économie.” Celui-ci comprendrait un plan d’investissement de 10 milliards d’euros par an pour “accompagner les paysans” qui adoptent des pratiques agroécologiques.
Du côté des macronistes, on planche sur le volet industriel du Pacte vert, afin de réconcilier celui-ci avec les enjeux de souveraineté chers au président français comme à l’aile droite.
Une proposition compatible avec la volonté affichée par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen — issue du PPE et en lice pour un second mandat à le tête de l’exécutif européen — de “continuer à soutenir l’industrie” lors de “la prochaine phase du Pacte vert”.
Si von der Leyen semble bien partie pour assurer sa réélection, elle doit cependant composer avec les réticences de son propre camp et les pressions des conservateurs allemands, qui ont clairement affiché leur préférence : maintenir la compétitivité des entreprises d’outre-Rhin.
Afin de “rassurer les industriels et les agriculteurs”, l’eurodéputé macroniste Pascal Canfin propose lui d’instaurer un “Frontex du Green Deal”, un corps de douane dédié au contrôle des règles environnementales au sein du bloc. 
Il plaide aussi pour l’introduction d’un “marché du carbone sur l’agroalimentaire qui ne pèse pas sur les agriculteurs mais sur les transformateurs,” c’est-à-dire les agro-industriels.
“Même dans une configuration où le Parlement serait plus à droite, je pense que ça peut tout à fait passer”, soutient Canfin.

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